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mardi 9 octobre 2018

MOBILISONS-NOUS


NOTRE PAYS, C’EST LA TERRE
Notre pays c'est la terre. Notre peuple c'est l'humanité ! Ce thème, au cœur de l'action de plusieurs mouvements citoyens dans le monde entier devient de plus en plus concret face à la montée des risques écologiques et aux attaques croissantes contre les valeurs humanistes portées par une nouvelle peste brune. Celle ci se trouve tragiquement incarnée par le risque de voir élire, dans le pays du forum social mondial, le Brésil, un candidat fasciste, misogyne, homophobe et nostalgique de la dictature militaire. Au même moment le nouveau rapport du GIEC sur le climat montre que les risques de voir notre terre devenir de plus en plus inhabitable, se transformer de "terre- mère" en "terre- serre" sont réels. Il nous faut faire face simultanément à ces deux risques, en comprendre le lien systémique et la réponse elle même systémique à y apporter. C'est l'objet de l'échange ci dessous que nous avons eu récemment au sein de l'archipel citoyen des Jours heureux en écho au formidable rassemblement de Bayonne lors de l'arrivée du Tour d'Alternatiba.
Le défi est en effet vertigineux et pour le moment, outre le versant écologique du dérèglement climatique, celui du réchauffement, nous sommes en plein dans son versant émotionnel, celui de la glaciation sociale dont la montée du néofascisme constitue une illustration gravissime après les formes diverses de replis identitaires. Le Brésil est au confluent de ces deux risques puisque la destruction de la forêt amazonienne est citée dans l'article que tu évoques comme l'une des causes possibles de l'emballement des boucles rétroactives vers la terre-serre. Or l'élection éventuelle du candidat d'extrême droite en tête des sondages du premier tour serait une circonstance aggravante car, outre son éloge de la dictature, sa justification du viol et son racisme, ce type est en outre un irresponsable total sur le plan écologique. Trump avait lui même illustré cette double face du double dérèglement climatique. Les effondrements (je préfère ce pluriel au singulier qui relève d'une collapsologie à la fois romantique et mortifère) sont aujourd'hui aux deux bouts de la chaîne : celui écologique concernant le climat et la biodiversité d'un côté, celui culturel et moral de la mise en cause des valeurs humanistes les plus fondamentales de l'autre. Nous assistons, comme dans les années trente, à la propagation dangereuse d'une épidémie de "peste émotionnelle" pour reprendre l'analyse de Wilheim Reich dans son livre de référence "Psychopathologie de masse du fascisme". Quand des catégories sociales vivent à la fois la peur du déclassement et une répression de leur Énergie libidinale, cela se traduit par une régression émotionnelle massive. Au lieu de se retourner contre le système capitaliste qui est à l'origine de leur déclassement social elles se retournent contre plus pauvres, plus exclues qu'elles, afin de maintenir leur rang dans cette peur de la dégringolade sociale. Hier ce sont les juifs, les tziganes, les homosexuels, les immigrés européens qui en ont fait les frais. Aujourd'hui ce sont principalement les immigrés non européens qui en sont les victimes mais aussi dans le cas de Trump et du néofascisme brésilien les femmes et les homosexuels. Ce double dérèglement climatique qui aggrave le diagnostic d'alerte nous offre paradoxalement pourtant une opportunité : d'un côté le néofascisme se heurtera de plus en plus au principe de réalité écologique et sa stratégie du déni illustrée par Trump ne pourra tenir longtemps face à la réalité des risques. Très vite la réponse nostalgique à la peur dont il est porteur se révélera une impasse, et comme le propre des réactions émotionnelles est de Pouvoir passer rapidement d'une posture à une autre, il nous faut préparer sans attendre l'heure du retournement comme l'ont fait les résistants pendant la seconde guerre mondiale par rapport au fascisme. Du même coup il nous faut activer sans attendre le second volet de la lutte contre la peste émotionnelle qui est celui de la fraternité et du bien-vivre en acte en s'appuyant en particulier sur la résistance majeure des femmes comme on le voit au Brésil et aux États Unis. Il nous faut en outre travailler fortement, comme nous le proposons pour Villarceaux l'alternative au collapse moral et spirituel en interpellant les grandes traditions spirituelles et notamment religieuses sur leur rôle dans ce combat. Après tout elles portent dans leur longue histoire une double face : celle, noire, des intégrismes et des guerres du sens religieuses ou idéologiques (stalinisme) mais aussi celle lumineuse de l'appel à l'amour (christianisme), à la miséricorde (l'Islam), à la compassion (bouddhisme), à l'égalité (communisme). Comme on l'a vu avec l'encyclique du pape Laudato SI ou avec l'initiative du sommet des consciences qui a joué un rôle important dans l'accord de Paris , quand c'est la face lumineuse qui l'emporte sur la face sombre cela se traduit à la fois par une avancée de la conscience écologique et un recul de la peste émotionnelle. Et là ce sont des milliards d'êtres humains qui sont directement influencés par cette autre forme de variation climatique. Au fond la question centrale n'est pas celle de la mort : nous mourrons, nos enfants et petits enfants mourront, les générations futures mourront et nous pouvons d'ores et déjà prédire, malgré quelques prédictions transhumanistes, que les sept milliards et demi d'êtres humains actuels mourront. Cette constatation banale qui va bien au delà des prédictions catastrophiques sur le fait qu'il ne resterait qu’un ou deux milliard d'êtres humains après une série de catastrophes et de guerres (scénarios de la CIA) met aussi en évidence que le vrai problème n'est pas la mort elle même mais le fait de ne pas vivre pleinement, dignement, intensément, avant de mourir. C'est ce que ne comprennent pas les survivalistes, expression caricaturale de ce que j'appelle la collapsologie névrotique et mortifère, à la différence de cette mobilisation des forces de vie même en situation de catastrophe que l'on pourrait nommer "la collapsologie érotique". Ils se préparent à se terrer avec leurs vivres et leurs armes et quand ils sortiront (peut être) de leurs bunkers ce sera pour continuer de se battre contre les autres survivants. À l'inverse comme le rappellent Pablo Servigne et Rafael Stevens, la clef d'une réponse à une situation d'effondrement c'est la solidarité qui en redonnant confiance dans les autres, rouvre la confiance dans l'avenir. Mobilisons donc sans attendre l'éros, les forces de vie face à Thanatos comme le dit Edgar Morin dans son hommage à Stephane Hessel pour agir face au double dérèglement climatique. 
Comme hier il nous faut donc à la fois une stratégie à court terme contre le pire, stratégie tout à la fois écologique et sociale donc, et une perspective de moyen terme comme l'a compris le CNR hier en étant aussi capable de se projeter dans l'avenir avec son programme anticipateur qu'il a choisi de manière significative de nommer "Jours heureux". C'est tout l'enjeu de ce que l'on pourrait nommer le Projet d'un CMR, un "Conseil mondial de la Résilience"!
Patrick Viveret – Illustration de Yak.


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